top of page

Sept ans de prison pour le trader Martin Shkreli


Le 9 mars 2018, Martin Shkreli, 34 ans, a été condamné à 7 ans de prison ferme après avoir été reconnu coupable, le 4 aout 2017, de trois chefs d’accusation pour fraude de valeurs mobilières. Son avocat, Benjamin Brafman, a simplement résumé la situation : « Le Procureur est mécontent de la sentence. Nous aussi. »

Le Procureur avait auparavant requis une peine de prison de 15 ans. La défense, quant à elle, avait demandé une peine entre 12 et 18 mois accompagnée de travaux d’intérêt général.

Afin de mieux comprendre l’affaire et les faits complexes, il nous faut tout d’abord présenter Martin Shkreli, et l’investigation particulière ayant été menée à son encontre.

Martin Shkreli est un jeune et talentueux trader qui est rapidement devenu « l’homme le plus détesté d’Amerique ». En 2015, il est devenu CEO de Turing Pharmaceuticals. Son entreprise a dépensé 55 millions de dollars dans l’acquisition de droits de vente du médicament Daraprim, qui est le seul traitement autorisé contre la toxoplasmose, une maladie pouvant entrainer la mort de patients atteints de cancer ou du sida. Par la suite, l’entreprise a augmenté de manière spectaculaire le prix du Daraprim, qui est passé de 13,50 dollars à 750 dollars par dose, le rendant alors inaccessible pour de nombreux patients. Shkreli s’est justifié en expliquant qu’il ne faisait que « suivre les règles du capitalisme ». Bien que son action soit discutable d’un point de vue éthique, une telle augmentation de prix n’est pas illégale aux Etats-Unis. Shkreli n’a donc pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, été condamné pour l’affaire du Daraprim le 9 Mars 2018, mais pour des faits tout à fait différents.

Sa personnalité « flamboyante » et ses nombreux tweets insultant ou harcelant des agents fédéraux et des personnalités politiques font également partie des raisons de sa célébrité. Il a ainsi été banni de réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter.

Le 17 Décembre 2015, il a été arrêté par le FBI après une inculpation fédérale de la Eastern District Court de l’Etat de New York – 8 charges différentes pour fraude pèsent alors sur lui. Les faits qui lui étaient reprochés correspondent à un schéma surnommé « Ponzi » : il s’agit d’une opération financière frauduleuse par laquelle un individu ou une entreprise paie les dettes qu’il a envers ses investisseurs en utilisant le capital que de nouveaux investisseurs lui ont versé, plutôt que d’utiliser l’argent des recettes de l’entreprise. Suite à un procès long de 5 semaines à la District Court de Brooklyn, et 5 jours de délibérations du jury, Shkreli a été condamné sur le fondement de 3 des chefs d’accusation, et acquitté pour les 5 autres. Il a été reconnu coupable de fraude en valeurs mobilières pour avoir manipulé des investisseurs par le biais de manœuvres mensongères– par exemple, il avait un faux dossier prétendant que son fonds MSMB Capital était « couronné de succès », les incitant à investir. Lorsque MSMB Capital a fait faillite, Shkreli l’a remplacé par un nouveau fonds, MSMB Healthcare, puis a reproduit le même schéma frauduleux avec de nouveaux investisseurs. Il a également conduit des opérations frauduleuses pour contrôler le prix et le volume des actions de sa société Retrophin.

Shkreli ne devait en principe pas être incarcéré avant sa condamnation. Cependant, il a émis des menaces en ligne à l’encontre d’Hilary Clinton et sa caution a donc été révoquée le 13 Septembre 2017.


Le 9 Mars 2018, la sentence a duré 3 heures. Au cours de sa plaidoirie, basée sur des conclusions particulièrement denses, Brafman a demandé au juge de se montrer clément, faisant notamment référence à d’autres affaires similaires pour lesquelles les défendeurs ont reçu de courtes peines de prison. En outre, il a dépeint Shkreli comme un individu maladroit en société, ce qui expliquerait son comportement. Il a défendu le fait que Shkreli n’a jamais commis d’infraction auparavant, et qu’il a pu rembourser la plupart de ses investisseurs, ne faisant donc que peu de victimes de ses actions frauduleuses. Il a aussi fait référence à son état de santé mentale fragile, et aux 55 lettres émanant de proches de Shkreli – famille, amis, admirateurs, prisonniers, toutes ces lettres s’accordent sur la bonté du défendeur.


Au contraire, le Gouvernement a fait valoir que la condamnation de Shkreli devait être assortie d’une peine de prison de 15 ans. Il a ajouté que Shkreli n’a manifesté aucun désir de coopération avec la procédure, et a minutieusement ciselé ses mensonges pour s’adapter à chaque victime. Le Gouvernement a rejeté la prétendue dépression de Shkreli comme excuse à la commission de ses crimes.

Suite à ce réquisitoire, Shkreli a pris la parole pour demander des excuses et endosser publiquement sa responsabilité.


Le juge a ensuite rendu une sentence motivée par de nombreux facteurs permettant de saisir la portée de la décision. Elle a rappelé que les pertes financières totales résultant des infractions de Shkreli s’élevaient à plus de 10 millions de dollars. Elle a souligné le caractère « sophistiqué » des opérations frauduleuses et énuméré les victimes. Pour ce type d’infraction, il est possible, en ajoutant chaque chef d’accusation, de prononcer une peine allant jusqu’à 45 ans de prison. Cependant, le juge a utilisé la Section 3D.1.2. : tous les chefs d’accusation ayant trait au même type d’infraction peuvent être regroupés pour éviter qu’ils soient ajoutés les uns aux autres, ce qui conduit souvent à des peines de prison extrêmement longues. Ainsi, après avoir considéré les Sentencing Guidelines et les éléments présentés par chaque partie, le juge a prononcé une peine de 84 mois (7 ans) de prison, assortie d’une amende de 75,000 dollars.


Shkreli a décidé de faire appel. Cependant, si elle est critiquée par les deux parties, la décision du juge a tout de même le mérite de rappeler une règle : un défendeur ne doit être jugé que pour les faits pour lesquels il est poursuivi. Dans le cas de Shkreli, c’est particulièrement clair : l’homme le ‘plus détesté d’Amérique’ n’était ici pas jugé pour la décision peu éthique d’augmenter les prix des médicaments, qui l’a rendu tristement célèbre.


[Matthew Galluzzo est un avocat spécialisé en défense pénale, ancien Procureur de Manhattan. Fort d’une solide expérience dans des affaires pénales complexes, il saura vous conseiller et vous assister afin de constituer un dossier solide.]


bottom of page