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Cabinet de Maître Matthew Galluzzo
Avocat pénaliste francophone
(The Law Office of Matthew Galluzzo PLLC)
La procédure pénale de l'Etat de New York
EXPLIQUÉE EN FRANÇAIS
Lorsqu’au tout début de la procédure, un suspect est appréhendé, un agent de police de l’Etat de New York doit, dans les plus brefs délais, l’informer de ses droits (les droits déterminés par la jurisprudence Miranda[1]). Ces droits, aussi connus sous le nom de « Miranda rights », comprennent le droit de garder le silence, de s’entretenir avec un avocat ainsi que d’autres droits déterminés par « the Miranda rights ». (Tout manquement au respect de cette procédure par la police peut engendrer des sanctions contre le ministère public, c’est-à-dire le gouvernement).
Généralement, après avoir été appréhendé par la police, l’individu est conduit au poste de police le plus proche afin de procéder à son arrestation. Au cours de son arrestation, le suspect est interrogé sur son identité, c’est à dire ses noms et prénoms, son âge, sa date de naissance, son lieu de résidence, etc. Par ailleurs, la procédure d’arrestation nécessite de procéder à un relevé d’empreintes digitales. Ces empruntes sont par la suite transmises à un fichier national (fingerprint-based criminal records)[2] équivalant au FAED français (fichier automatisé des empreintes digitales) afin de déterminer si l’individu a déjà été arrêté ou condamné pour un crime aux Etats-Unis.
Certaines personnes arrêtées préfèrent mentir sur leur identité dans l’espoir de cacher l’existence de leur casier judiciaire. Un tel comportement ne peut que nuire à la crédibilité du suspect. En effet, la recherche de l’existence d’un casier judiciaire est possible grâce au fichier national des empreintes digitales, peu important l’identité vraie ou supposée du suspect.
Enfin, les officiers vont procéder à la saisie de tout objet dont le port est prohibé ou règlementé, tels que des armes, drogues, possédées illégalement par la personne arrêtée. Ces objets seront « vouchered » ou saisis par la police et mis sous scellés dans une enveloppe sécurisée et utilisés par la suite comme élément de preuve de commission de l’infraction. En outre, le suspect est autorisé à passer un appel téléphonique depuis le commissariat : de toute évidence, il est recommandé d’utiliser cet appel pour joindre un avocat ou un membre de sa famille. Suite à l’arrestation de l’individu, un détective ou un officier de police judiciaire tente généralement d’interroger la personne arrêtée. Dans le cas où la personne arrêtée souhaite parler et répondre aux questions qui lui sont posées par un policier, il devra également faire une déclaration, écrite de sa main, sur papier.
L’individu peut, par la suite, être transféré au bureau du procureur (District Attorney’s Office)[3] et présenté à un substitut du procureur qui procédera à la suite de l’interrogatoire. Ce second interrogatoire par le substitut est effectué, le plus souvent, en cas d’infractions les plus graves (crimes) ainsi que les cas de violences domestiques non résolus.
Par la suite, l’individu arrêté est transféré en détention provisoire dans une cellule jouxtant ou proche d’une salle d’audience de mise en accusation (county’s arraignment courtroom). L’individu est alors transféré et surveillé par les services judiciaires. Ses biens personnels sont gardés par ces derniers et seront conservés en lieu sûr.
Dans certaines affaires, les autorités judiciaires choisissent de délivrer un «Desk Apparence Ticket ». Ce « D.A.T[4] » équivaut à la « citation directe » qui est une citation à comparaitre et se différencie d’une arrestation classique par la remise en liberté du prévenu. En pratique, le suspect est interrogé puis il est procédé au relevé de ses empreintes digitales. Par la suite, on libère le suspect et lui notifie la date à laquelle il est convoqué devant le tribunal. Cette procédure a pour principal but de permettre au procureur de mener une enquête.
En attendant sa mise en accusation, la police et le substitut du procureur discutent des détails de l’arrestation. Le substitut du procureur exerçant au sein de l’ECAB – aussi appelé le premier bureau d’évaluation des cas – prend alors la décision de poursuivre ou non le suspect et dans l’hypothèse où il poursuit, de la qualification des infractions retenues contre lui, des charges qui sont portées contre lui. Par la suite, le Procureur rédige un réquisitoire introductif – « a complaint » [5]- qui décrit brièvement les faits de l’affaire.
Le document est alors généralement signé par un officier de police sous peine de parjure et déposé auprès de la chambre de mise en accusation « arraignment court ». On attribuera alors un numéro au dossier qui suivra l’affaire tout au long de la procédure.
À titre d’exemple, un numéro de dossier pourrait être 2009NY012345 qui est composé de l’année d’arrestation, une abréviation du comté en charge de l’arrestation, suivi d’un numéro d’identifiant à 6 chiffres.
Un suspect peut attendre sa mise en accusation ou sa première présentation devant un juge pénal (correctionnel ou cour d’assises) pendant 24 heures.
Au cours de cette période d’attente, le suspect peut s’entretenir en privé avec son avocat. En outre, un employé de l’administration pénale va interroger le suspect sur ses liens avec l’Etat de New York (emploi, lieu de résidence, famille…). En outre, une copie du casier judiciaire du suspect (le cas échéant) sera jointe à son dossier afin que le procureur, le magistrat et l’avocat de la défense puissent l’examiner et s’y référer. Certaines juridictions à forte activité telles que Manhattan et Brooklyn mettent à disposition au moins une chambre d’accusation (qui est ouverte au public) de 9h30 à 2h00 du matin.
Enfin, le mise en examen, accompagné de son avocat sera présenté à un magistrat pour sa mise en accusation. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là qu’une copie de la plainte rédigée par le bureau du procureur ainsi qu’une copie du casier judiciaire seront transmises à l’avocat et au magistrat.
Dans certaines affaires, le procureur fera lecture d’un résumé des faits portés contre le mis en examen afin d’encourager le magistrat à fixer une caution (« bail »). Le procureur demandera au magistrat de délivrer une ordonnance de protection temporaire[6] en faveur de la victime en cause. Enfin, dans de nombreuses affaires délictuelles, le procureur fera une offre – « plea bargain offer » – [7] Il est aussi en droit de faire des recommandations portant sur la condamnation du prévenu. Lors de la mise en accusation, le procureur peut faire valoir la nécessité de garder le prévenu en prison ; il peut requérir un cautionnement.
Le mis en cause peut décider de plaider coupable à ce stade de la procédure.
S’il décide de plaider coupable lors de sa mise en accusation, l’affaire est alors terminée. Le mis en cause devra purger sa peine.
Inversement, si l’inculpé plaide non coupable, le dossier passe à l’étape suivante – l’évaluation du montant de la caution – (the determination of bail) [8].
La détermination du montant de la caution est l’un des aspects les plus importants de la mise en accusation. Il appartient au magistrat de décider si le paiement d’une caution est nécessaire pour assurer la présence du prévenu lors de l’audience. Les avocats, quant à eux, justifieront en quoi le paiement de cette caution n’est pas nécessaire pour assurer sa comparution.
Evidemment, la libération sous caution sera plus souvent prononcée pour un crime grave que pour un délit mineur. La Cour peut aussi prendre en compte d’autres facteurs tels que la force probante des éléments de preuves détenus par le Ministère Public ; le casier judiciaire du prévenu (le cas échéant) ; le comportement du prévenu et si, lors d’affaires précédentes, il a comparu devant le tribunal ; si la famille du prévenu réside près du lieu de comparution de celui-ci ; s’il dispose d’un emploi et du montant de ses revenus ; de la santé du prévenu ainsi que de sa nationalité.
Si le magistrat décide d’autoriser sa libération sous caution, le mis en examen sera détenu jusqu’à ce qu’il s’acquitte du montant de la caution, lui-même ou l’un de ses proches. Bien souvent, il est fait appel au service d’un garant professionnel – « bondsman[9] » – afin d’aider le prévenu à financer le paiement du montant de la caution et de procéder à sa liberté provisoire.
Lors de la mise en accusation, le procureur peut ordonner de procéder à des enquêtes ou instructions supplémentaires qu’il pourra utiliser plus tard, lors du procès, telles que des déclarations à charge du prévenu ou n’importe quelles procédures d’identification par témoin oculaire effectuées par la police.
Enfin, l’affaire sera renvoyée jusqu’à la prochaine comparution du prévenu devant la Cour. Le renvoi d’une audience varie selon les réquisitions du Procureur et du paiement de la caution. Par exemple, si le prévenu est accusé de crime et qu’il est dans l’incapacité de payer sa caution, le tribunal renverra l’affaire dans les 5 ou 6 jours qui suivent… Dans ce cas d’espèce, si le procureur est dans la possibilité d’obtenir un acte appelé un « indictment [10]» contre le prévenu, ce dernier restera en détention provisoire jusqu’à la prochaine comparution. Toutefois, si le procureur n’est pas en mesure de convaincre un jury d’accusation de voter un « indictment », le défendeur sera libéré à cette date. (A noter : cette libération ne signifie pas nécessairement que le prévenu est libéré de toute charge).
En revanche, si le prévenu est libéré après avoir reconnu lui-même les faits, dans ce cas, la période d’ajournement est généralement plus longue. Il est même fréquent que le prévenu n’ait pas à se présenter avant une période d’un ou deux mois suivant l’acte d’accusation.
En temps normal, la plainte transmise à la cour ainsi qu’au prévenu lors de la lecture de l’acte d’accusation (« the complaint ») n’est pas suffisante pour permettre au Ministère public (« Gouvernement ») d’entamer une action judiciaire. Ainsi, avant de procéder à l’étape suivante, le réquisitoire du procureur doit faire l’objet d’une « conversion ». En matière délictuelle, il est procédé à la conversion de la plainte pour délit en acte d’information du procureur. Cet acte est un acte d’accusation pour délit ne contenant aucune déposition, actes ou preuves non vérifiés ou obtenus officieusement. Cette conversion ne peut se faire qu’avec des éléments de preuve formels corroborant les informations détenues tels que le dépôt d’une déclaration sous serment signé par un témoin ou un rapport de laboratoire portant sur des analyses de drogue, le rapport d’un expert en balistique (ce document est aussi appelé « corroborating affidavit » [11]), etc. Dans certains cas et particulièrement dans les affaires portant sur les infractions routières (état d’ébriété, vitesse…), la plainte peut être directement utilisée par un procureur.
La plupart du temps, l’affaire est suspendue jusqu’à une date ultérieure afin de permettre au ministère public d’obtenir les conclusions des laboratoires ou les déclarations écrites sous serment corroborant les éléments de la plainte initiale. Le Ministère public dispose d’un délai dans lequel il doit obtenir ces documents. En pratique, pour les affaires portant sur des délits, si le Ministère public ne peut obtenir ces documents avant l’expiration d’un délai préétabli (60 jours pour les délits de classe B et 90 jours pour les délits de classe A), l’affaire est automatiquement frappée de non-lieu. En ce qui concerne les affaires criminelles, le procédé de « conversion » est beaucoup plus compliqué. Le procureur, non seulement doit obtenir les déclarations écrites sous serment ainsi que compléter le dossier mais doit aussi présenter l’affaire à un «grand jury ».
Le « Grand jury »
Un jury d’accusation de l’État de New York est constitué de 23 personnes choisies au hasard. Les jurés sont censés intervenir par demi-journées et ce pendant un mois ou encore toute la journée pendant deux semaines. Il est à noter que ces périodes de service peuvent varier. À Manhattan, il arrive que 10 grands jurés soient convoqués en même temps, servant tous les mêmes intérêts généraux. Les grands jury ont pour vocation d’examiner (« screen ») les affaires criminelles. Le procureur présente les éléments de preuves et les charges portées contre le prévenu en vue de convaincre le « grand jury » qu’il dispose de suffisamment de preuves pour poursuivre les poursuites contre l’individu poursuivi. Le « Grand jury » n’a pas à établir l’innocence ou la culpabilité d’un individu mais doit seulement décider si l’individu peut ou doit être inculpé des faits criminels qui lui sont reprochés. « Le Grand jury » n’est pas une étape publique et la loi interdit aux membres du grand jury de révéler des détails connus lors de la présentation de l’affaire à l’extérieur du tribunal (sauf cas très limités).
Les preuves rapportées par le Ministère public sont présentées aux membres du jury de la même manière qu’à une audience correctionnelle (trial [12]). Un procureur questionne les témoins qui ont prêté serment. Il peut apporter toutes les preuves au soutien de l’affaire dont il est en charge telles que des rapports de laboratoire, d’experts en balistique, médicaux. Cependant, à la différence d’une audience correctionnelle, le jury peut interroger les témoins (mais uniquement par l’intermédiaire du procureur). Quant au procureur, il lui est interdit de faire directement des déclarations ou sommations au Grand jury. En outre, lors de l’audience en présence d’un grand jury, il n’y a aucun juge présentant les preuves ; c’est au procureur de décider si une preuve est admissible et de la manière dont il doit informer les jurés sur la loi applicable. (A noter, cependant, les magistrats de la cour Suprême sont compétents et peuvent passer en revue les retranscriptions de la procédure de mise en accusation afin de déterminer si elle a été conduite correctement et conformément à la loi). Bien que le grand jury soit seul compétent pour déterminer les charges portées contre le prévenu, le cas échéant, le procureur est toutefois en droit de suggérer les charges qui lui semblent les plus adaptées au cas d’espèce.
Le rôle de la défense est, quant à lui, considérablement limité. Chaque prévenu arrêté et accusé de crime a la possibilité de témoigner devant n’importe quel jury d’accusation assigné par le procureur en charge de l’affaire. Cependant, les prévenus doivent 1) prêter serment et jurer qu’ils vont témoigner sincèrement 2) renoncer à leur immunité 3) se soumettre au contre-interrogatoire effectué par le procureur. Conséquemment, les avocats de la défense ne sont autorisés à intervenir lors de la mise en accusation (« grand jury ») que durant le témoignage de leur client (si ce dernier a décidé de témoigner). L’avocat de la défense est seulement autorisé à conseiller son client et n’est en aucun cas autorisé à interroger ou débattre des arguments avec le Grand jury.
L’établissement de la preuve devant un grand jury est significativement plus aisé qu’il ne l’est lors du procès. Lors du procès, la preuve de la culpabilité criminelle d’un prévenu doit être établie sans aucun doute (« beyond reasonable doubt ») et la décision du grand jury doit être unanime. Lors de la mise en accusation par le « Grand Jury », puisque l’innocence ou la culpabilité du prévenu n’est pas encore en jeu, le Procureur doit simplement convaincre 12 jurés, présents lors de la mise en accusation, qu’il y a « des causes raisonnables de croire » que le prévenu a commis l’infraction qui lui est reprochée. Le « Grand Jury » peut alors inculper le prévenu (« to indict ») – ce qui signifie que le grand jury procède à la mise en accusation formelle du prévenu pour crime – ou peut décider d’un non lieu. Le grand Jury dispose d’autres pouvoirs occasionnellement utilisés dans les affaires où le prévenu a déjà été arrêté.
Une fois qu’un Jury d’accusation a formellement accusé (« indicted »)[13] le prévenu, il est fait obligation à ce dernier de se présenter devant la Cour Suprême en vue de la lecture de l’acte d’accusation établi par le grand jury, c’est-à-dire un « indictement ». Avec ce document, le défendeur et son avocat peuvent enfin avoir connaissance des charges formellement retenues contre le prévenu. À la lecture de l’acte d’accusation, le procureur peut demander au magistrat de procéder à l’augmentation du montant de la caution au regard de la probabilité de fuite accrue du prévenu. Le procureur est, en outre, habilité à faire une offre au prévenu (« plea bargain ») [14]ou faire des recommandations au magistrat de la Cour Suprême concernant la peine. Cependant, normalement, les affaires sont suspendues jusqu’à une autre audience dédiée à la « motion practice [15] ».
Suite à la « conversion » de la plainte en réquisitoire introductif du procureur (ou plainte pour crime remplacée par un acte d’accusation voté par le Grand Jury), l’affaire est suspendue afin de procéder à des « discovery »[16] supplémentaires ou au dépôt de « motions », c’est-à-dire des communications de pièces. Lorsqu’il dépose une « motion » ou requête, l’avocat de la défense va tenter de remettre en cause les nombreuses allégations tenues par le procureur contre le prévenu ou faire une demande d’audition d’avant procès afin de déterminer si les droits constitutionnels du prévenu ont été violés pendant son arrestation. Ces exemples ne sont en rien une liste exhaustive des possibilités offertes aux parties quant aux demandes qu’ils sont en droit de formuler lors de la rédaction de « motions ». Les « motions » prennent généralement la forme de mémoires (comparables à des jeux de conclusions en demande et en défense) pour lesquels la partie adverse (peut) est en droit de répondre par la rédaction d’une nouvelle requête. Le mémoire ou conclusions contient des éléments de recherches juridiques (jurisprudence et doctrine) appuyant les demandes faites par les parties. Dans les affaires criminelles, le juge devra procéder à l’examen de la transcription des actes de procédure du « Grand Jury » afin de déterminer si la procédure a été régulièrement effectuée et si les preuves présentées au Grand Jury étaient probantes et justifiaient les charges décrites dans l’acte d’accusation. En tout état de cause, le juge à un droit de regard sur les motions déposées par les parties et sur les actes de procédure votés par le « Grand Jury ».
Suite à cette étape, l’affaire est renvoyée jusqu’à l’audition d’avant procès ou au procès lui-même.
Alors que les parties transmettent leurs requêtes à la cour, elles ordonnent des « discovery », c’est-à-dire une communication de pièces, qui est un procédé juridique permettant à l’avocat de la défense de s’informer sur son adversaire dans un dossier en cours. « Discovery »[17] est le procédé permettant aux parties de se transmettre les informations, d’échanger des pièces. En général, l’avocat de la défense fait des demandes écrites enjoignant au Procureur, de manière large, de lui transmettre les preuves et les informations pertinentes dont il dispose. Cependant, certains bureaux du procureur disposent d’une politique particulière en ce qui concerne la transmission des pièces. En effet, la loi n’impose au procureur de procéder à la transmission des documents qu’à la veille de l’ouverture d’un procès. Durant cette phase de la procédure, tant le procureur que l’avocat de la défense peuvent faire comparaître des témoins (personnes qui ne sont pas parties à l’instance) afin d’obtenir des éléments de preuves qu’ils vont, par la suite, présenter à la cour.